je m'en doutais un peu c'est vrai,
et c'est sans doute pour ça que je me l'étais gardé pour le lire au calme,
en prenant le temps de savourer son style
et de me laisser entraîner doucement au fil des mots de François Place...
C'était bieeeeeeeeeeeeen,
malgré des critiques un peu mitigées ça et là,
je dois dire que j'ai vraiment apprécié ce roman,
et que je me suis retrouvée au bout de la dernière page comme toute abandonnée ...
Gwen dit 'le Tousseux' vit en Bretagne au début du siècle (le XXe en fait), et ce gringalet de santé fragile va entrer au service d'un rebouteux, bien taiseux, que l'on appelle mais que l'on craint, comme il se doit avec ce genre de bonshommes... A la mort de ce dernier, et alors que la guerre approche, la charrette de l'Ankou vient chercher Gwen (L'Ankou correspond à la mort dans le folklore et les légendes bretonnes)... et le dépose sur une plage, ailleurs....
Est-il mort ? dans un monde entre deux ? comment se retrouve-t-il là réellement ?
le héros n'a pas la réponse, et nous non plus, mais le fait est que cet ailleurs est un autre lieu dans un autre temps...
Nous voilà donc dans les Douze Provinces (la Flandre d'avant quoi),
pays de marais, canaux, tavernes crasses, contrôlées d'une main de fer par la Douane Volante,
à une époque où on ne connaît pas les sous-marins, dans un temps ou les médecins en habits noirs font face à la peste et pratiquent la saignée...
ca ressemble a une peinture flamande du 17e siècle -et il semblerait que François Place ait été influencé par un tableau bien précis-, aux Pays-Bas de Rembrandt et des autres.
Gwen va être recueilli dans ce nouvel univers par Jorn, un homme bon vivant, toujours positif mais calculateur qui veut monter les échelons et faire sa place au sein du pouvoir, quitte a exploiter et trahir les gens autour de lui. Gwen est son ami, son esclave, son compagnon, son aide.
Le jeune héros adopte un oiseau, un Pibil siffleur, drôle de piaf loufoque et caractériel, qui sent mauvais et donnerait tout pour une graine trempée dans le genièvre. Le volatile va l'accompagner dans sa besogne de soigneur, basée sur ses anciennes connaissances de rebouteux, un don particulier et la découverte progressive de l'anatomie et de la médecine.
Gwen traverses des épreuves et se résout à cette nouvelle vie, mais garde toujours en tête un bout de sa Bretagne et cherche un moyen de rentrer chez lui.
François Place nous entraîne donc dans un roman étonnant,
à la fois historique et fantastique, réaliste et bourré de légendes (l'Ankou, les kraken...),
qui nous laisse sans réponses sur pas mal de points.
Mais qu'importe au fond, si on choisit de se laisser porter et d'accepter cette part de flou, on suit alors les aventures de Gwen, avec ses moments durs, ses malheurs, ses nombreuses rencontres, plus ou moins riches et réussies.
En tout cas, c'est surtout le style de François Place qui donne toute sa dimension au roman...
on sent que cet amoureux de l'histoire se régale à nous décrire ces univers.
Il a du se documenter longuement sur les cartes anciennes, le monde de la marine, la Bretagne et ses légendes, la médecine et ses tatonnements, bref sur des domaines riches avec lesquels il joue. Son écriture est imagée et évocatrice, riche et précise, détaillée, et fait de ce livre un magnifique et étrange voyage dans le temps et dans l'espace.
(une écriture balaise et pas facile pour les petits...
à donner aux ados à mon avis).
Le pays de coeur de l'asticot c'est justement par là-haut, en haut à droite...
pays de canaux, de cafés bruns et de brumes marécageuses, de maisons à pignons et d'entrepots, plat pays de vent, d'herbe et de mer...
et François Place évoque tout ça à merveille.
Comme si certains illustrateurs, à l'univers déjà si extraordinaire,
pouvaient se mettre à peindre avec les mots...
Je ne pouvais que me laisser porter....
J'ai hâte de savoir ce que vont en dire les Graines de Critiques Toulousains,
puisqu'il sera lu, commenté, dépecé et critiqué cette année....
La douane volante /François Place. Gallimard jeunesse, 2010